Les personnes sans-papiers doivent elles aussi être protégées !

Lettre ouverte adressée aux autorités fédérales, cantonales et communales du Canton de Vaud

Madame Simonetta Sommaruga, Présidente de la Confédération, Madame Karin Keller-Sutter, Cheffe du Département fédéral de Justice et Police, Madame Nuria Gorrite, Présidente du Conseil d’Etat vaudois, Monsieur Philippe Leuba, Chef du Département de l’économie et du sport,  Mesdames les Syndiques et Messieurs les Syndics des communes vaudoises de plus de 5000 habitant-e-s, 

Dans le contexte actuel de crise dû au Covid‐19, les signataires de ce courrier tiennent à vous faire part de leurs préoccupations quant aux conséquences sociales, économiques et sanitaires de cette crise sur les populations les plus précarisées et notamment sur les personnes sanspapiers.

A la situation de précarité préexistante, viennent maintenant s’ajouter les circonstances inédites du Covid-19. Nous sommes soucieux-ses d’interpeller nos autorités sur les effets particuliers de la crise sur cette population et ses besoins spécifiques dans ce contexte. En effet, pour la sécurité de tous et toutes, il importe que personne ne soit laissé dans une zone de non-droit et que toutes les personnes qui participent à la société soient protégées. 

  1. Travail et revenu

Les secteurs d’activités occupés par les personnes sans-papiers sont principalement l’économie domestique, la construction et la restauration. Aucun de ces domaines ne permet le télétravail. Or, ne pas se rendre au travail implique bien souvent une perte de revenu, lequel ne peut être remplacé par aucun autre. De fait, de nombreux travailleuses et travailleurs sans statut ont déjà été licenciés et s’angoissent du lendemain, craignant de se retrouver à la rue avec leurs enfants. D’autres doivent continuer à travailler, mais dans des conditions qui les exposent de manière plus importante au risque de contagion.  Grand nombre de personnes sans-papiers travaillent « au gris », c’est-à-dire qu’elles paient leurs cotisations sociales et leurs impôts et sont donc soumises aux mêmes obligations que la population au bénéfice d’un permis de séjour. En revanche, elles n’ont pas les mêmes droits quant à l’accès aux prestations sociales et ne peuvent prétendre au chômage. 

Nous demandons

  • L’octroi du chômage partiel (RHT) et l’accès aux APG pour tous les travailleurs et travailleuses sans-papiers, en particulier les personnes qui ont cotisé, indépendamment de leur statut (y compris celles et ceux qui travaillent dans l’économie domestique).
  • De sensibiliser les employeurs de travailleurs et travailleuses domestiques quant à la précarisation de leur personnel et surtout les informer de leurs obligations et des normes salariales à respecter, tout en les autorisant à rester chez eux.
  • Soutenir la recherche de fonds que Caritas Vaud et le CSP Vaud ont lancé pour aider les personnes qui n’ont pas accès aux aides publiques proposées dans le cadre du Covid-19.
  • Soutenir les capacités des associations qui proposent de l’aide alimentaire, voire en créer de nouvelles (par ex. via les cantines scolaires sous–exploitées actuellement).
  • Accès aux soins

Un accès complet aux soins doit être garanti pour toute personne résidant en Suisse, qu’elle soit ou non au bénéfice d’une autorisation de séjour. En cette situation de pandémie, il est fondamental que chacun-e puisse avoir accès aux traitements médicaux et aux conseils. Cela signifie que les coûts pour les personnes sans-papiers qui doivent consulter pour suspicion de Covid-19 doivent être entièrement couverts, indépendamment d’une couverture d’assurance maladie. Cette mesure est nécessaire pour limiter la propagation de la pandémie, sans quoi les personnes sans-papiers atteintes ne vont pas se présenter dans les consultations médicales. Tout en reconnaissant des efforts des autorités pour étendre les horaires des hébergements d’urgence et ouvrir de nouveau lieux d’accueil pour les personnes précarisées et sans-abri, comme celui du Bâtiment administratif de la Pontaise (BAP). 

Nous demandons :

  • D’assurer l’accès et la prise en charge financière des personnes sans-papiers au dépistage et aux traitements liés au Covid‐19, qu’ils et elles aient ou non contracté une assurance maladie.
  • Pendant la durée de la crise, le canton et les communes doivent prendre en charge l’entier des primes d’assurance maladie des personnes qui ont perdu leur(s) revenu(s) et n’ont pas aux accès aux aides publiques.
  • Séjour illégal

Le délit de séjour illégal suppose qu’il soit techniquement possible de quitter le territoire. Or, les pays ferment leurs frontières et les possibilités de se déplacer sont presque inexistantes, sans qu’on sache quand il sera à nouveau possible de « voyager ». Les personnes sans-papiers doivent pouvoir se déplacer pour s’approvisionner et pour recevoir des soins. Dans cette situation exceptionnelle, le Ministère Public ne devrait plus prononcer de sanctions pour séjour illégal et les autorités de migration ne devraient plus prononcer d’expulsion ni ordonner des mesures de contraintes telles que la détention. Les délais de départs et expulsions déjà prononcés doivent donc être suspendus. La détention en vue du renvoi doit aussi être levée et les détenus libérés.

Nous demandons :

  • Pas de sanction pour séjour illégal !
  • Pas de détention en vue du renvoi.
  • La suspension des expulsions.
  • Procédure de régularisation

Les personnes sans-papiers qui sont présentes en Suisse depuis longtemps peuvent, sous plusieurs conditions, déposer une demande de régularisation et obtenir un permis de séjour. La situation que nous vivons avec le Covid-19 constitue notamment une crise économique durable. Il est important que les droits des personnes sans-papiers à déposer une demande de régularisation soient garantis malgré la crise. Les autorités en charge de la migration doivent tenir compte de la situation particulière qui va perdurer pour les mois à venir et adapter les critères de régularisation en conséquence.

Nous demandons :

  • Pour les demandes de régularisation en cours de traitement, statuer sur le dossier en fonction de la situation d’emploi avant le confinement Covid-19.
  • Pour les futures demandes de régularisation, que la période de cessation d’activité causée par le Covid-19 ne soit pas utilisée comme motif de refus.
  • Pour les personnes régularisées, garantir le renouvellement du permis de séjour y compris en cas de recours à l’aide sociale.

Dans le prolongement de cette dernière demande, nous demandons également que le recours à l’aide sociale durant la période de crise sanitaire ne constitue pas, par la suite, un facteur de non-renouvellement des permis B (ni un facteur de rétrogradation des permis C en permis B). Sans cela, de nombreuses personnes ayant vécu en situation régulière jusqu’à présent pourraient se retrouver sans-papiers, avec toutes les conséquences que cela impliquerait. 

Dans l’espoir que vous pourrez prendre en compte ces différentes demandes, parmi toutes les sollicitations que vous recevez en ce moment si particulier de la vie de notre pays, et y répondre rapidement, nous vous prions d’agréer, Mesdames, Messieurs, nos salutations les meilleures. 

Signataires

Collectif vaudois de soutien aux sans-papiers (CVSSP),  CSP Vaud,  Collectif de soutien aux Sans-Papiers de La Côte Association Chrétiens au travail,  ACOR SOS Racisme, Association Le Sleep-In,  Association pour le logement des jeunes en formation (ALJF), Association Mouvement Citoyen MLK (Martin Luther King),  Association vaudoise des enseignant-e-s en structures d’accueil (AVESAC),  Caritas Vaud, Centre d’accueil MalleyPrairie, Centre Prévention de l’Ale, Collectif “Droit de Rester Lausanne”, Conseil de la Pastorale œcuménique dans le monde du travail (COMET), Conseil œcuménique pour les réfugiés (COER), Coordination Asile-Migration Riviera (CAMIR),  Entraide Protestante Suisse (EPER), 

Association Colombia Vive,  Franc-Parler, Jeunes Vert·e·s vaudois·es,  L’autre syndicat,  Parti socialiste lausannois,  Parti socialiste vaudois, Plateforme pour une agriculture socialement durable,  POP section Lausanne, POP Vaud, Section vaudoise de la Ligue suisse des droits de l’Homme,  SolidaritéS Vaud,  SOS Asile Vaud,  Syndicat des Services publics (SSP Vaud),  Syndicat Unia, Vert·e·s lausannois·es, Vert·e·s vaudois·es,

Personnes de contact : 

CVSSP : Byron Allauca, 076 529 84 55, allaucabj@hotmail.com CSP Vaud : Myriam Schwab Ngamije, 078 843 03 63, myriam.schwab@csp-vd.ch  Pour réponse par courrier postal : CSP Vaud, à l’att. de Mme Bastienne Joerchel, directrice, Rue Beau-Séjour 28, 1003 Lausanne 

Copie pour information : 

Mme Cornelia Lüthy, Sous-directrice du Secrétariat d’État aux Migrations (SEM), Quellenweg 2, 3003 Berne-Wabern M. Stève Maucci, Chef du Service de la population du canton de Vaud (SPOP), Av. de

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